Pacte Dutreil : La doctrine administrative met fin à l’incertitude et exclut désormais les activités de location en meublé du dispositif Dutreil transmission
Le pacte Dutreil permet l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour la transmission d’entreprises individuelles (art 787 C du CGI) et de sociétés (art 787 B CGI) sous certaines conditions. Ce dispositif est ouvert aux activités commerciales, industrielles, libérales ou agricoles. L’éligibilité de l’activité de loueur en meublé, de nature hybride, avait été admise comme commerciale pour le bénéfice du Dutreil sur le fondement d’une interprétation doctrinale (via un renvoi à la doctrine en matière d’ISF). La suppression de l’ISF avait ouvert une période d’incertitude à laquelle a mis fin un changement de doctrine en date du 6 avril 2021 : l’activité de loueur en meublé n’est plus éligible au Dutreil
L’ancienne position de la doctrine admettait l’éligibilité des loueurs en meublé
L’article 787 B du CGI vise notamment, pour l’applicabilité de l’exonération partielle, les activités commerciales sans les définir expressément. Or, l’activité de loueur en meublé présente une nature hybride : elle est civile par nature, mais commerciale au sens fiscal (imposable en tant que « BIC » pour l’application de l’impôt sur le revenu selon l’article 35 I 5° bis du CGI).
L’ancienne doctrine administrative relative au Dutreil pour les sociétés prévoyait que la définition des activités éligibles était déterminée par référence aux dispositions doctrinales relatives à l’exonération des biens professionnels dans le cadre de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Or, cette doctrine administrative reconnaissait comme commerciales toutes les activités soumises au régime fiscal des « BIC », comprenant donc la location en meublé.
Ainsi, à la suite de l’avis du Comité de l’abus de droit fiscal du 6 novembre 2015, l’administration fiscale avait reconnu que le renvoi à la doctrine fiscale précitée relative à l’ISF permettait de se prévaloir de la nature commerciale au sens de l’article 787 B du CGI de l’activité de loueur en meublé à titre habituel – accompagnée ou non de prestation de services - la rendant ainsi éligible au pacte Dutreil.
La modification de la base BOFIP entraîne un revirement de position
A compter du 1er janvier 2018, l’ISF a laissé place à l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Il s’en est donc suivi une période d’incertitude s’agissant de la position de l’administration fiscale sur l’applicabilité du dispositif Dutreil à l’activité de location meublée. Dans un premier temps, en date du 11 octobre 2018, l’administration a retiré ses commentaires relatifs à l’ISF, ce qui rendait le renvoi de la doctrine administrative « Dutreil » sans objet et ouvrait une période d’insécurité juridique.
Elle a finalement procédé, le 6 avril 2021, à la modification de la documentation relative au pacte Dutreil.
Le champ d’application de l’exonération s’agissant de l’activité éligible est désormais défini par renvoi aux règles applicables à l’IFI. Or l’article 966 du CGI, auquel l’administration se réfère dans son commentaire, indique que « n'est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale l'exercice par une société ou un organisme d'une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier ».
Tirant les conséquences de ces dispositions, la nouvelle documentation administrative prévoit expressément l’exclusion du bénéfice du Dutreil « des activités de location de locaux meublés à usage d'habitation ».
La location meublée même professionnelle est désormais exclue du dispositif
L’administration fiscale, par cette modification de sa doctrine, opère donc une volte-face en revenant sur l’éligibilité au pacte Dutreil des sociétés et entreprises individuelles exerçant une activité de loueur en meublé à titre habituel.
De fait, même les « LMP » au sens de l’IR ou de l’IFI sont désormais exclus, - la doctrine, devant être appliquée littéralement, ne faisant aucune distinction entre le caractère professionnel ou non de l’activité - cette position nous ayant été confirmée par l’administration fiscale au sein d’une réponse à rescrit.
Reste néanmoins que l’adjonction d’une activité de prestation de services para-hôteliers à l’activité de location meublée, conférant à la location le caractère d’une activité commerciale par nature, continue d’être éligible à l’exonération partielle des droits de mutation dans le cadre du pacte Dutreil malgré la nouvelle position de l’administration fiscale.
La position de l’administration est opposable depuis le 6 avril 2021
Le changement de position de la doctrine administrative est immédiatement opposable aux contribuables à compter du 6 avril 2021. Les commentaires administratifs étant en consultation jusqu’au 6 juin dernier, l’administration est en droit de procéder à une éventuelle révision ; cependant il semble peu probable qu’elle revienne sur ce point. Les transmissions avec Pacte Dutreil d’entreprises ou de sociétés (ex. SARL de famille) de location meublée ont donc aujourd’hui vécu. La mise à jour de la doctrine confirme néanmoins que les activités de marchands de biens, commerciales par nature, restent éligibles au Pacte Dutreil. Il en est de même pour la para hôtellerie.
En matière d’IFI, si l’activité de location en meublé n’est pas une activité commerciale conformément à l’article 966 du CGI, l’article 975 V du CGI prévoit néanmoins une exonération pour les biens loués meublés qui remplissent les conditions pour être considérés comme des actifs professionnels (plus de 23.000€ de recettes annuelles et bénéfice net représentant plus de 50% des ressources imposables du foyer).